Les Zaouïas de Salé

La ville de Salé est réputée avec l’avènement de l’Islam pour être le refuge des ermites et des dévots. Elle attirait de toutes parts les gens se vouant à l’ascétisme. C’est pourquoi, elle compte un grand nombre de sites réservés au recueillement, soit plus d’une centaine de zaouïas, de cloîtres et de sanctuaires. Aucun visiteur de Salé ne manque de relever la multitude de coupoles, le plus souvent d’un style dépouillé, l’édifice étant généralement fait de briques, revêtu de manière simple et blanchi à la chaux. Mais malgré leur modeste apparence, ces lieux illustrent toute la déférence et la vénération vouées à ces saints, dévots, moudjahidin et hommes vertueux dormant sous ces coupoles.

La zaouïa Chrichi (actuellement zaouïa des Darkaoua):

Il s’agit de la plus ancienne zaouïa connue à Salé. Elle se situe à Bab Hssein, près de la modersa Bouananiya. Son fondateur fut le grand pôle Soufi Abou Ali Chrichi al-Bakae qui vécut au XIIe siècle. Il quitta sa ville natale, Cherich, en Andalousie, au XIIe siècle, pour le Machrek dont il sillonna toutes les contrées, accomplit le pèlerinage plus d’une vingtaine de fois, avant de prendre le chemin du retour. Il s’arrêta pour un temps à Marrakech, et se fixa définitivement à Salé dans la maison que la famille des notables Beni Hamdine lui avait offerte. Il en fit une zaouïa où se recueillaient ses disciples et mourides.
A sa mort, il y fut inhumé avant qu’un des souverains mérinides ne l’embellisse d’une magnifique coupole. Lorsque la zaouïa d’l-Chrichi n’eut plus d’adeptes, elle servit aux disciples de Moulay Ahmed Skalli (1763), puis aux élèves du Cheikh Moulay Larbi Darkaoui (1824). Elle est connue aujourd’hui sous le nom de zaouïa Darkaouia.

La zaouîa Sidi Bouzekri :

Elle jouxte la Grande Mosquée du côté nord-est. Elle s’apparente au pieux Abou Zakaria Soussi, de la descendance du Cheikh renommé Iaaza Uyehya, une des célébrités du XIIe siècle. Il s’était établi à Salé dans cette zaouïa où il enseignait la religion et formait ses disciples. A sa mort, Abou Zakaria (Bouzekri) y fut inhumé et relayé dans la direction de l’enseignement et l’éducation par son élève Yahya ibn Abdelghani Salaoui. C’est de son vivant, que Cheikh Ahmed ben Achir fréquenta cette zaouïa au moment où il choisit de s’installer à Salé après avoir quitté sa ville natale de Jimena puis Algésiras en Espagne et après avoir séjourné quelque temps à Meknès. La zaouïa accueillit Ahmed ben Constatini, auteur de  » Ouns al-Fakhir « . La zaouïa de Sidi Bouzekri était vaste et comportait, outre le lieu de prières, les chambres, des pensionnaires et un cimentier étendu,  » ornementé de zelliges et de marbres portant des inscriptions et épitaphes » dont il ne reste plus rien. Une partie a été incorporée à une maison mitoyenne pour servir de jardin alors qu’une autre partie a fait longtemps office de fabrique traitant le coton et le lin avant de servir d’école coranique. Il ne restait plus à la zaouïa qu’une parcelle exiguë qui a été intégrée dernièrement à l’école coranique.

La zaouîa Annoussak:

Elle se situe à l’extérieur de BAb Fès au milieu d’un hameau peuplé autrefois, et appelé  » Sebara « . La zaouïa fut construite par le sultan Abou Inane pour deux raisons : servir de refuge aux indigents et aux dévots sans ressources pour y pratiquer le culte, y recueillir et abriter d’autre part, les étrangers de passage et les notables de l’État qui viennent s’y ressourcer spirituellement .
Selon des inscriptions sur la couronne ornant le portail ouest, la zaouïa fut construite le 27 chaabane 757 (25 août 1356). Elle compte parmi les plus beaux édifices de Salé ; ibn al-Khatib la décrivit comme  » une zaouïa qui a l’apparence d’un jardin« . Le sultan Abou Inane la visita deux ans après son inauguration. La zaouïa Annoussak tomba en ruines après le déclin de la dynastie mérinide. Il n’en reste plus que les deux portails imposants, celui donnant sur la qibla en face de Bab Fès et celui de l’ouest donnant sur le sanctuaire de Aboul Abbas, outre une fontaine pour les ablutions au milieu d’un patio revêtu de mosaïque aux couleurs chatoyantes.

La zaouïa de Sidi Moghit:

Elle est située à l’est de la Grande Mosquée et la zaouïa de Sidi Bouzekri déjà signalée se trouve interposée entre elle et la mosquée. La zaouïa porte le nom du médecin Omar ben Ghayat, appelé par le petit peuple  » Sidi Moghit « . Il enseignait la médecine au XVIe siècle et soignait les malades à la medersa Bouananiya qui était aussi un hôpital. On ignore s’il fonda cette zaouïa lui-même après avoir cessé de pratiquer à l’hôpital ou bien s’il pratiquait en même temps la médecine et le recueillement spirituel. Une petite mosquée dite mosquée Sidi Moghit fut ensuite édifiée sur une partie de la zaouïa, ainsi qu’une école coranique.

La zaouïa Kadiriya :

Au quartier Zanata près de Bab Chaafa. Elle se réclame de la sommité des cheikhs du soufisme Moulay Abdekader al-Jilali, inhumé à Bagdad 1166. On ignore et le nom de son fondateur et la date de son édification. L’On notera toutefois que le quartier où elle se trouve est l’un des plus anciens puisque l’on attribue sa création aux émirs zénètes qui régnèrent sur le Maroc au Ve siècle de l’Hégire, en faisant de Salé leur capitale.
La zaouïa comprend, outre une salle de prières, plusieurs dépendances pour l’hébergement des visiteurs et un cimetière réservé aux Kadiriyine. Cette zaouïa fut transformée dans les années trente en école libre. La fameuse école Annahda de la période de la fin du Protectorat en est issue.

La zaouïa Hajjiya :

Au  » Souk Al-kabir  » dans le centre de la médina, elle se réclame de Cheikh et moujahid sidi Ahmed Hajji 1691, connu pour être un adepte de la tariqa Jazoulia Chadiliya. On lui connaît de nombreux mourides dans la tribu des Zemmours qui combattirent à ses côtés lors de la libération de la citadelle d’al-Mehdiya (Maâmora) des occupants ibériques. Depuis que la zaouïa était dirigée par le fils du Cheikh Hajji, Abdellah al-Jazzar Hajji (1710), qui avait pris la succession de son père, elle se consacrait aussi à l’enseignement.
Ainsi, de nombreux ouléma de Salé, de Fès et d’autres villes y enseignèrent. Elle abrite, jusqu’à nos jours, des cycles d’études et des séances d’incantation de l’ordre chadilite.

La zaouïa al-Moubarakiya :

Au quartier Bab Hssein, à l’intérieur de la muraille, sa filiation remonte au Cheikh M’hammed ben Moubarek Tastaouti Azaeri (1597) inhumé à Tastaout au sud d’Oulmès, sur la route de Oued Zem. Il est considéré comme faisant partie des maîtres de la tariqa Jazouliya Chadiya. On compte parmi sa descendance, des ouléma et des lettrés ayant entretenu des rapports continus avec Salé, en particulier son petit-fils Ahmed ben Abdelkader Tastauti, 1715, inhumé à Meknès. Il serait probablement le fondateur de cette zaouïa étant donné ses rapports étroits avec les oulémas de Salé, ses notables et ses gouvernants.
Les Slaouis dénomment toujours la zaouïa Moubarakiya, la zaouïa de Sidi Ahmed ben Abdelkader. A l’arrière-plan de la zaouïa, se trouve un vaste espace utilisé comme caveau des dignitaires de la ville.

La zaouïa Nassiriya:

Située à la limite de Saniet Hassar entre la Akba Lakbira et R’hibat zerkalla, elle se réclame du Cheikh sunnite M’hamed ben Nasser Eddarii, inhumé à Tamegrout, 1674 / 1085 H. Ni la date de sa construction, ni le nom de son fondateur ne sont connus. On ignore si un des descendants du Cheikh ben Nasser s’est établi à Salé avant Cheikh khaled ben Mohamed Nassiri, père de l’historien auteur de l’Istiqsa, et ce en 1805 / 1220 H. La fondation de la zaouïa Nassirya de Salé date probablement de cette époque.

Il y a à Salé d’autres zaouïas célèbres dont on ne sait ni quand elles furent fondées ni par qui. Mais il est plausible qu’elles aient vu le jour au cours des trois derniers siècles :

La zaouïa Hansalia:

Au derb Bouqae, du côté gauche pour celui qui entre au derb par souk al-kabir. Elle se réclame du Cheikh Dada Said Ahensal dont la tombe se trouve à Taghia sur la rive d’un des affluents de Oued al-Abid, au Moyen Atlas. Il vécut au XIIIe s./ VIIe s.H.

La zaouïa des M’nasra:

Située au quartier Charratine à droit lorsque l’on s’engage dans la ruelle conduisant à Bab Hssein. Elle se réclame de l’héritage spirituel du Cheikh Mohammed Soufyiani, inhumé à Bsabes, un domaine appartenant aux Oulad Jaloun, au nord de Salé 1519 / 925 H. Cette zaouïa abrita, au début de l’Indépendance, un centre de formation à l’intention d’une catégorie d’instituteurs.

La zaouïa des Issaoua:

Faisant face à la zaouïa Nassirya précitée, à l’extrémité de Saniet Hassar, elle se réclame du Cheikh al-Kamel Mohammed ben Issa Fahdi, ( inhumé à Meknès en 1525 / 931H.), l’un des plus grands maîtres de la tariqa Jazouliya Chadilya et l’un de ceux qui ont fait le plus d’adeptes dans les milieux populaires.

La zaouïa Ghaziya:

Située à Ras Achajra au quartier Attalaâ, la zaouïa se réclame du Cheikh Ghazi Darii Sijilmassi, l’un des grands pôles de la Chadiliya, inhumé à Taboubakret dans le Tafilalet en 1573 / 981 H. De nos jours, elle organisait des séances d’incantations rythmées au son du tambour et des danses rituelles, comme il est de tradition chez les adeptes de cette tariqa.

La zaouïa Khassimiya:

Mitoyenne de la mosquée ibn Abbad, à Ras R’hibat Zekalla. Elle se veut la gardienne de l’héritage spirituel de Cheikh kassem ibn Louchi Soufyani, inhumé près de L’Oued R’dam dans le pays Azghar, au nord de Salé 1667 / 1077 H. Elle est appelée par le petit peuple zaouïa de Sidi Abdellah Bouchakour, en référence à Cheikh Abdellah Hassoun le Slaoui, surnommé Bouchakour 1700 / 1112 H, inhumé dans cette même zaouïa et qui était l’un des plus grands disciples du cheikh Soufyani. Une belle coupole fut érigée sur cette tombe par un bienfaiteur anonyme.

La zaouïa Touhamiya:

Elle est située au quartier Essaf dans la rue Moulay Touhami menant au quartier Sellaline. Elle se réclame du Cheikh Touhami ben Mohamed ben Abdellah, inhumé à Ouezzane 1715 / 1127 H. Elle comptait à Salé de nombreux mourides.

La zaouïa des Hmadcha:

Située au quartier Blida. On y accède en s’engageant dans le derb par une bifurcation vers la droite. Elle se réclame du Cheikh Ali ben Hamdouche inhumé dans le mont Zerhoune 1723 / 1135 H.

La zaouïa Tijania:

Jouxtant la Grande Mosquée, du côté sud-ouest, elle se réclame du Cheikh Ahmed Tijani, inhumé à Fès en 1815 / 1230 H. L’une des plus belles zaouïas par son architecture, ses ornements et l’élégance de son style.

La zaouïa Ad-Dlil:

Elle se situe, à côté de la zaouïa Ghazyia précitée, à Ras-Echajra, et se réclame du Cheikh M’hamed ben Slimane Jazouli, 1465 / 870 H. On l’appelle aussi zaouïa en référence à son fondateur Ahmed ben Abdellah Al-Aouni, décédé en 1880. Il récitait dans la zaouïa le Dalil-Khayrate (le guide des bienfaits), tous les vendredis.

La zaouïa Kettania:

Située à l’extrémité du quartier Bab Hssein, elle se veut la gardienne de l’héritage spirituel de Cheikh Mohammed ben Abdelkebir Kettani, inhumé à Bab Sakma à Fès, 1909 / 1327H.

La zaouïa ben Aboud:

Elle est située dans la rue Bourmada entre la Suika et le marché municipal. Elle perpétué l’héritage spirituel du Cheikh et éducateur Mohamed ben Abdessalam ben Aboud Drakaoui,1925 / 1344 H. Originaire de Meknès, ce cheikh s’installa à Salé au début de ce siècle. Le gouverneur de Salé, alors Haj Taieb Sbihi, lui offrit une grande demeure dont il occupa une partie et fit de l’autre une zaouïa où il se réunissait avec ses disciples, pour la plupart de grands ouléma, dignitaires et hauts fonctionnaires du makhzen. A sa mort, il fut inhumé dans une des pièces relevant de la zaouïa. Dans les années 30, cette zaouïa servit d’école libre.

La zaouïa Seddiquia:

Dans l’ancien Mellah. Elle se trouve dans la première rue lorsque l’on entre au Mellah par Souk Laghzel. La zaouïa se réclame du Cheikh Mohammed ben Seddiq Laghmari, inhumé à Tanger 1883 / 1354 H. C’est la plus récente des zaouïa de Salé puisqu’elle fut construite au milieu du siècle dernier.


Source: Cité Millénaire