Ancienne Médina

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Fondée au XIe siècle par les Ifrénides, Salé connait un important développement à l’époque des Almohades (XIIe siècle) et des Mérinides (XIVe siècle), du fait de sa position stratégique sur la voie terrestre qui relie Fès à Marrakech et grâce à son port, centre d’échanges entre l’Europe et le Maroc.

Au XVIIe siècle, et notamment à partir de 1610, la ville de Salé, et, de l’autre côté du Bouregreg, la ville de Rabat, dite à l’époque « Salé la Nouvelle » accueillirent l’arrivée massive de musulmans et de juifs chassés d’Espagne. Ce fait nouveau donna un nouveau souffle à la cité (Salé l’ancienne), augmenta la population, et créa une rivalité avec la ville toute voisine de Rabat.

En effet, à cette époque, Salé fut célèbre surtout par son intense activité maritime, et les andalous en firent la capitale des corsaires.

L’activité commerciale de Salé durant le XVIIIe siècle lui permit d’étendre son influence grâce à la course dans le pays jusque dans des régions très reculées.

Et depuis le XIXe siècle s’annonce la fin du rôle commercial prépondérant dont jouissait la ville, et Salé s’enferma sur elle-même et demeura, au cours du XIXe siècle et pendant l’époque des protectorats français et espagnol, un haut lieu de culture et le fief des mouvements de résistance nationale.

A travers ses monuments historiques diversifiés, Salé recèle un riche patrimoine architectural séculaire.

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En effet, l’enceinte de Salé compte parmi les ouvrages défensifs islamiques les plus anciens du Maroc. C’est une ligne de remparts flanquée par des tours barlongues et ponctuée par des portes urbaines dans la pure tradition des enceintes médiévales de l’occident musulman. Ses principales portes sont : Bab Maalqa, Bab Jdid, Bab sidi Bou Haja (au sud) Bab Ferran  qui, donne accès à l’ancien arsenal (Dar es-Sanaa), Bab Fès dit aussi Bab Khmiss, Bab sebta, et Bab Chaafa.

Les portes de l’ancienne médina :

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  • Bab Dar As-Sinaâ (porte de l’arsenal), dite aussi Bab Ferran, est une porte fortifiée datant de l’époque mérinide. Construite à la suite de la prise de Salé en 1261, la porte devient ainsi un arsenal et fabrique d’armes des armées mérinides dans le cadre de la lutte en Andalousie, puis corsaires de Salé. Des dizaines de navires de guerre y furent construits. L’activité de l’arsenal s’arrêta définitivement au XVIIe siècle. Elle est bâtie par l’architecte andalou Mohammed ben Haj Al Ichbili.
  • Bab Fès (porte de Fès) ou Bab El-Khmiss (porte du jeudi), est édifiée lors de la période almoravide. Elle s’agit de l’une des plus anciennes portes de la ville. Elle connait des restaurations ultérieures notamment durant le XIXe siècle. Bab Fès donne accès à l’est de Salé.
  • Bab Sebta (porte de Ceuta), est l’une des plus anciennes portes de Salé avec Bab Fès, puisqu’elle a été édifiée à l’époque almoravide. Réaménagée, un bastion lui est accolée par Abdelhaq Fennich, lorsqu’il dirigeait la ville. La porte était un passage obligé pour prendre la route vers Ceuta, d’où son nom.
  • Bab Sidi Bou Haja (porte Sidi Bou Haja), construite par les Almohades, elle porte le nom du saint andalou Ibrahim Bouhaja qui entretenait la zaouïa Annoussak au XIVesiècle. Elle est détruite dans les années 1960.
  • Bab Maalqa, construite par les Almohades, elle était réservée au sultan quand il visitait les lieux saints de Salé. Elle s’ouvre sur le cimetière et la plage.
  • Bab Chaafa, modeste porte protégée par une grande tour adjacente abritant aujourd’hui un café d’inspiration andalouse.
  • Bab Cortoba (porte de Cordoue), d’époque almohade, est une petite porte donnant accès au Mellah.

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Borjs et édifices militaires :

La ville de Salé compte un important nombre de borjs (bastions) et édifices militaires, dont parmi eux :

  • Borj Bab Sebta (bastion de la porte de Ceuta), est bâti par le pacha de Salé Abdelhaq Fennich, entre 1738 et 1757, et est relié à Bab Sebta d’où le pacha dirige la ville.

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Mosquées de l’ancienne médina :
  • La Grande Mosquée:Première mosquée à être construite dans Salé intra-muros à son emplacement actuel par la famille des Beni Achara au début du XIe siècle, au milieu d’une zone surélevée appelée plus tard Hay Attalaâ. Elle était entourée de maison et jouxtait le palais que cette famille avait édifié à proximité. La mosquée primitive, de petite dimension, avait subi les aléas du temps et son toit s’était effondré, ce qui amena le sultan almohade Yacoub al-Mansour à la rénover et à l’agrandir en l’an 1196, dans la foulée de sa victoire d’Alarcos « al-Arak » en Andalousie. Il la dota d’un minaret majestueux, ce qui en fit, selon les termes de l’historien Slaoui, ben Ali Doukkali, »l’une des grandioses mosquées de l’Islam, par la beauté de son agencement, l’immensité de son espace et la splendeur de son bâti ». Elle est marquée d’une porte monumentale décorée d’arcs lobés en pierre de Salé. Le minaret de la mosquée s’est ensuite fissuré du fait des différentes intempéries et des bombardements des flottes européennes. C’est ainsi que, sur instruction du sultan Moulay Abderrahmane ibn Hicham, elle fut démolie et reconstruite en l’an 1840, selon l’architecture qu’on lui connaît aujourd’hui. La Grande Mosquée de Salé était, avant la construction de la Grande Mosquée Hassan II de Casablanca, la plus grande mosquée du Royaume y compris celle de la Karaouiyne à Fès.

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  • La Mosquée Achahbae: La Mosquée Achahbae est la deuxième mosquée construite à Salé. Elle fut édifiée par le sultan almoravide Youssef ibn Tachfine dans la seconde moitié du XIe siècle, sur le modèle des mosquées érigées à Fès et dans les autres villes qu’il conquit. Quand la Grande Mosquée fut délabrée, celle d’Achahbae la remplaça pour le cérémonial de la prière du vendredi, avant que la première ne retrouvât son rôle de lieu culturel où se donnait le sermon du vendredi. La mosquée Achabae a gardé son cachet almoravide jusqu’à l’époque contemporaine. Sous l’effet des années, le parterre de la mosquée s’était affaissé de sorte qu’il fallait descendre quelques marches pour y accéder. Après l’indépendance, elle fut reconstruite sur les décombres de l’ancienne mosquée en la surélevant quelque peu pour la remettre au niveau des édifices alentour.
  • La mosquée sidi Ahmed Hajji : La mosquée Ismailia ou la mosquée sidi Ahmed Hajji au Souk al-Kabir, en l’honneur du grand saint sidi Ahmed Hajji qui fut l’un des ermites et des dévots de la zaouïa Jazoulia , dont les fondations furent jetées par Moulay Ismail à la fin de son règne et qui décida de lui consacrer de nombreux immeubles à l’intérieur de la ville et ailleurs. Elle fut achevée sous le règne de son fils Moulay Abdellah.

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Les mausolées de l’ancienne médina :
  • Le mausolée de Sidi Aboul Abbas (Sidi Belabbès) : Situé à l’extérieur de Bab Fès, face à la zaouïa Annoussak. Cheikh Abou al-Abbas Ahmed ben Mohammed ben Youssef y fut inhumé, 1145/540 H. Il fut l’un des riches notables de Salé, avant de se vouer à la dévotion et à la vie monastique cédant tous ses biens aux pauvres. Il creusa lui-même sa tombe dans la parcelle où il vivait en reclus. La coupole sur sa tombe fut construite par un des rois mérinides.
  • Le mausolée de Sidi Moussa Doukkali : Il se trouve à l’extérieur de Bab Sebta sur le front de l’Océan Atlantique et fut érigé en 1155 / 550 H. Sidi Moussa était un ascète et un dévot qui se nourrissait de ce qu’il trouvait dans le champs ou de poissons de mer. On rapporte qu’il effectuait chaque année le pèlerinage à la Mecque par quelque moyen miraculeux. Il logeait dans une cellule au fondouk Azzit où le sultan Abou Inane avait construit l’hôpital ( Moristan ). La coupole de ce mausolée est l’oeuvre de la bienfaitrice Mellala Bint Ziyadatoullah, contemporaine de Sidi Moussa. Elle fut rénovée, sous l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui, par le sultan Moulay Ismaïl, au début du XVIIIe siècle.
  • Le mausolée de Sidi al-Haj Abdellah : Mitoyen à la mosquée qui porte son nom. Sa porte s’ouvre sur la place de Bab Hssein. Il s’agit de Abdellah ben Youssef ben Ali, dont la filiation remonte aux beni Achra, fondateurs de Salé. Les gens du peuple l’appellent Sidi al-Haj Abdellah al-Ghalid. Sidi al-Haj Abdellah était contemporain de Sidi Bel Abbas et de Sidi Moussa 1165/560 H.
  • Le mausolée de Sidi ben Achir : Il est situé à l’extrémité du cimetière qui porte son nom, à côté de la muraille et de Borj Addoumoue. Son nom complet est Ahmed ben Mohammed ben Omar ben Achir, mort en 1364 / 765 H. Ahmed ben Achir était un modèle d’abstinence et d’ascétisme fuyant la communauté des humains, en particulier les gouvernants, pour se consacrer au culte et à la dévotion. Sa tombe était située dans un enclos ombragé par un figuier, avant que le sultan Moulay Abdellah ibn Ismail n’édifiât sur cette tombe une coupole imposante dont la rénovation fut ordonnée par le sultan Abderrahmane ibn Hicham (milieu du XIXe s.). Ce sultan construisit également à proximité un maristan comportant une trentaine des chambres réservées aux malades, en particulier aux personnes atteintes de maladies mentales. Des mécènes slaouis ont ajouté d’autres chambres pour abriter les visiteurs venant de loin.
  • Le mausolée de Sidi Ali Ben Ayoub : Situé entre la place de la mosquée Achahbae et Bab Fès. Sidi Ali Ben Ayoub (décédé après 1369 / 770 H.) était un saint personnage qui enceignait le Coran aux enfants. Son mausolée disposait d’une large ouverture donnant sur la grande allée mais elle fut obstruée. Cependant, les marques des rajouts sont toujours visibles.
  • Le mausolée de l’imam ibn al-Mejrad : Situé dans le cimetière Bab Maalqa, près de Borj Addoumoue à l’extérieur de l’enceinte. Il s’agit de Mhammed Bel Mejrad Nafzaoui Salaoui (mort en 1376 / 778 H.). Le petit peuple le dénomme  » Sidi al-Imam Slaoui « . C’était un vertueux personnage qui se vouait à l’enseignement, à la recherche du savoir et à sa propagation par ses écrits. Ses livres ont une audience au niveau de l’Occident musulman jusqu’à nos jours. Les petits qui s’initiaient à l’école coranique, avaient coutume de visiter ce mausolée, dans l’espoir de voir s’exaucer leurs vœux pour l’assimilation du savoir.
  • Le mausolée de Sidi Abdellah ben Hassoun : A proximité de la Grande Mosquée. Il s’agit de Abdellah ben Ahmed Khalid, plus connu sous le nom de ben Hassoun originaire des Slas dans le Rif (décédé en 1604 / 1013 H.). Il était connu par son désintéressement, son érudition, et ses capacités de Grand orateur. » Il prenait place dans la Grande Mosquée à Salé où la foule se pressait autour de lui pour le sultan et obtenir de lui des bénédictions ». Il eut de nombreux disciples dont le grand moujahid M’hamed al-Ayyachi. La coupole de son mausolée fut édifiée par le sultan Moulay Ismail. Le mausolée Sidi Abdellah ben Hassoun est vénéré par les Slaouis et son moussam a lieu la veille du Mouloud, anniversaire du Prophète Sidna Mohammed. On associe à son culte la cérémonie des cierges qui, lors de la procession, sont déposés dans le mausolée où ils restent un an dans l’attente du prochain Mouloud. Le mausolée a été agrandi durant les dernières décennies en prenant sur une portion du cimetière mitoyen ; l’ajout a été fait dans un style architectural raffiné et somptueux.
  • Le mausolée de Sidi M’hamed M’fadel : Surnommé  » Moul l’Gomri « , près de la porte de la Grande Mosquée. Il est situé dans une ruelle du même nom. Sidi M’hamed M’fadel (mort en 1661 / 1071 H.), était un alem et fin connaisseur des sciences religieuses, de la récitation coranique, attaché à la voie de ses ancêtre vénérables, dont la filiation remonte au Cheikh M’hamed Charqui, patron de Bejaad où il est inhumé.
  • Le mausolée de Sidi Ahmed Taleb : Près de la porte ouest de la Grande Mosquée (mort en 1662 / 1072), originaire de la ville de Ksar el-kabir. Sidi Ahmed Taleb récitait chaque nuit la totalité du Coran et menait une vie de réclusion et d’abstinence.
  • Le mausolée de Sidi al-Hassan al-Ayadi Sjiri : Situé dans la Souika, du côté gauche en allant de Souk Al-Kabir à Bab Fès (décédé en 1719 / 1131 H.). C’était un pieux personnage, dont la bénédiction se faisait sentir de son vivant. Une coupole fut construite sur sa tombe, l’année qui suivit sa mort.

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Ce bref répertoire des saints de la ville confirme les assertions des chroniqueurs et historiens anciens et contemporains qui s’accordent à dire que Salé fut la cité du savoir, de la piété et du jihad durant toute l’époque islamique.